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veilleur1
2025-11-25
Bulletin n° 22    A 2

#Principal :
culture numérique
numérique responsable
#Secondaire :
collectivités
souveraineté numérique
Interêt :
stratégie
Média :
actu
Web
Objectif :
comprendre
savoir
Pestel+ :
légal
politique
technologique

Emmanuel Macron rencontrait ce mardi à Berlin le chancelier allemand Friedrich Merz pour discuter de la souveraineté numérique de l’Europe, avec à la clé l’annonce d’une offre commune de Mistral AI et SAP pour une solution d’IA dite « souveraine » destinée aux administrations publiques françaises et allemandes.

Ce qu’il faut retenir La marche est haute pour l’Europe, mais l’ambition est là. Afin d’assurer la souveraineté numérique de l’Union européenne face aux mastodontes américains, le président français s’est rendu ce mardi à Berlin pour participer au Sommet sur la souveraineté numérique européenne, coorganisé par Paris et Berlin, en présence de la Commission et de représentants des Vingt-Sept. Selon le ministre allemand du Numérique Karsten Wildberger, les dirigeants des deux grandes puissances européennes se sont réunis avec les géants de la tech pour faire passer le « message central » que « l’Europe est prête à bâtir son propre avenir numérique ». Les discussions qui ont eu lieu à Berlin ont notamment visé un nouvel effort pour créer des capacités européennes dans le cloud computing, un secteur aujourd’hui largement dominé par les acteurs américains Google, AWS (Amazon) et Microsoft. Au-delà de la photo de famille, Paris et Berlin ont esquissé une feuille de route commune : assouplir une partie des règles numériques de l’UE dans le cadre du futur paquet « Digital Omnibus », faciliter le déploiement de l’IA dans l’économie européenne et soutenir des offres issues d’acteurs du continent, comme le tandem Mistral–SAP. Pourquoi c’est important à suivre Chaque jour, la révolution technologique menée par l’IA prend de l’ampleur. L’Europe reste loin derrière les deux plus grandes puissances mondiales, et encore davantage depuis le retour de Donald Trump à la présidence américaine, qui s’accompagne d’un volontarisme massif en matière d’infrastructures et de cloud. Dans ce contexte, l’heure est à la recherche de solutions : rattraper le retard en capacités de calcul : l’an dernier, les centres de données européens, moteurs de la révolution de l’IA, affichaient une capacité d’environ 16 gigawatts, contre 48 GW aux États-Unis et 38 GW en Chine ; desserrer un cadre réglementaire jugé trop lourd : la Commission européenne doit présenter ce mercredi un paquet « Digital Omnibus » qui modifie notamment le RGPD, l’ePrivacy et l’AI Act, avec l’objectif affiché de simplifier et d’alléger les obligations, au risque d’être perçu comme un début de recul sur certaines protections. Les dirigeants européens et les entreprises du secteur sont donc appelés à trouver un équilibre : rester fidèles à l’ADN régulateur de l’UE tout en permettant aux acteurs européens de se développer dans la course mondiale à l’IA. Autre symbole fort de la journée : la panne massive de Cloudflare, fournisseur américain d’infrastructure, a brièvement coupé l’accès à une partie du web mondial – dont ChatGPT, X (ex-Twitter) ou Spotify – quelques heures avant le sommet. Un rappel brutal de la dépendance structurelle de l’Europe à quelques acteurs non européens pour le bon fonctionnement de son internet. En parallèle, plus de 40 organisations – dont Mozilla, Wikimedia ou Mistral AI – ont publié une lettre ouverte appelant les dirigeants européens à faire de l’open source un pilier de la souveraineté numérique, en finançant toute la « stack » open source (modèles, données, infrastructures) et en réservant une partie des capacités de calcul publiques à ces projets. Citations principales « La souveraineté numérique coûte de l’argent, mais la dépendance numérique est encore plus chère », a déclaré Friedrich Merz, en référence notamment à la panne massive de Cloudflare survenue ce mardi. Le chancelier a insisté sur la nécessité de faire de la réduction de la dépendance au cloud et aux services numériques américains un enjeu industriel et stratégique, pas seulement un débat juridique. L’Europe ne veut pas être « le vassal » technologique des États-Unis et de la Chine, a quant à lui ajouté Emmanuel Macron. « Nous voulons clairement concevoir nos propres solutions », a-t-il ajouté, en plaidant pour une « préférence européenne » assumée dans la commande publique numérique, tandis que Berlin reste plus prudent sur un dispositif jugé trop protectionniste. Le chiffre à retenir : 90 % Environ 90 % des entreprises allemandes qui importent des biens ou services numériques estiment être dépendantes de ceux-ci, selon une enquête menée par l’association allemande Bitkom. Pour beaucoup d’entre elles, une rupture durable d’accès aux technologies américaines – logiciels, services cloud, outils d’IA – mettrait en péril leur activité en moins d’un an. « L’Europe ne doit pas se faire distancer, les investissements d’aujourd’hui sont les emplois de demain », a rappelé son président, Ralf Wintergerst, appelant à faire de la souveraineté numérique un sujet de premier plan, au même titre que l’énergie ou la défense. À surveiller Les chiffres en disent longs sur le chemin à parcourir pour le Vieux Continent en matière de tech. Avec 16 GW de capacité de calcul contre 48 GW aux États-Unis et 38 GW en Chine, l’Europe part de loin, malgré une montée en puissance de nouveaux centres de données en Allemagne, en France et ailleurs. En dépit d’une volonté affichée d’agir, la bataille s’annonce difficile pour une Europe handicapée par son retard de croissance et d’industrie, et par un marché numérique très fragmenté. Mais plusieurs signaux montrent que la machine européenne est en marche : l’annonce d’un partenariat stratégique entre Mistral AI et SAP pour une IA souveraine destinée aux administrations publiques ; la préparation, au niveau de l’UE, de méga-centres de données “gigawatt” pour l’IA, financés en partie sur fonds publics, pour tenter de combler une partie du fossé avec les États-Unis et la Chine ; la montée en puissance d’un discours pro-open source dans le débat européen, qui pourrait rééquilibrer la stratégie en faveur de communs numériques et pas seulement de quelques « champions » privés. Reste une série de questions ouvertes : l’Europe pourra-t-elle rattraper son retard sans renoncer à ses exigences en matière de protection des données ? Le Digital Omnibus sera-t-il un simple ajustement technique ou un véritable tournant vers une dérégulation au nom de la compétitivité ? Et la préférence européenne, que Paris appelle de ses vœux, ira-t-elle jusqu’à bousculer réellement la place des géants américains sur le marché européen du cloud et de l’IA ?