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Bulletin n° 0 A
Contraints de mettre des ordinateurs au rebut, car pas capables de supporter la nouvelle version de Windows, certains bidouillent pour contourner le blocage. D'autres, ont choisi (et parfois depuis longtemps) de passer au logiciel libre, pour ne plus dépendre de Microsoft.
La fin des mises à jour de Windows 10 et les problèmes de compatibilité posées par la nouvelle version Windows 11, contraint des tas d’entreprises et de collectivités à mettre une partie de leur parc informatique au rebut. Une obsolescence programmée face à laquelle certains trichent, pour contourner le blocage, afin de sauver certaines machines considérées comme obsolètes par la firme américaine. Quand d’autres défendent un chemin alternatif, pour carrément se passer du célèbre système d’exploitation de Microsoft.
C’est le cas à Échirolles, dans la banlieue de Grenoble, où la mairie communiste a entamé sa transition vers des logiciels libres. “Peu de choses ont changé pour moi”, lance par exemple Anastasyia Shabatyuk, responsable communication et l’une des volontaires qui depuis un an n’ont plus Windows sur leur poste de travail. “On n'est pas perdus, on arrive sur un bureau avec une barre d’application, nos fichiers, une barre de recherche ici… Tout fonctionne de manière très similaire et mon travail est exactement le même qu’auparavant, quand on était sous Windows”, témoigne-t-elle. Désormais, elle utilise Linux, système d’exploitation libre, 100% gratuit et complètement modulable et dont l’apparence ressemble, à s’y méprendre, à ce qu’elle a toujours connu.
Le logiciel libre, pas un “choix fou”
Sur tous les ordinateurs, et depuis longtemps d’ailleurs, LibreOffice a pris la place de Word et Excel. Pour le travail collaboratif, les agents utilisent une plateforme développée en interne. “Le choix du logiciel libre n’est pas fou”, tient d’emblée à signaler Aurélien Farges, l’adjoint en charge du Numérique et des Finances. “Car on a besoin d’avoir une administration qui fonctionne, utilise les outils numériques et surtout répondre aux problématiques des usagers au quotidien…” La transition vers le logiciel libre, dit-il, a été faite “parce qu’on sait qu’il est en capacité de répondre à l’ensemble de nos besoins”.
Reste selon lui encore quelques rares programmes, pour certains métiers, difficiles à remplacer. Mais, à la fin, le compte est bon : “Sur l’ensemble du mandat, c'est deux millions d’euros d’économisés, sur un budget de fonctionnement annuel de 60 millions d’euros… ce n’est pas anodin, dans une période où on parle beaucoup d’économies”, tient-il à ajouter. Sur un petit millier d'ordinateurs à Échirolles, un sur dix a lâché Windows. Moins gourmand en ressources, Linux permet d'ailleurs de ne pas jeter ceux promis au rebut.
Ordinateurs, smartphone : sommes-nous condamnés à toujours les changer ?
La gendarmerie se passe de Windows depuis longtemps
En France, une institution montre depuis longtemps l’exemple en la matière : la Gendarmerie Nationale compte 100.000 postes informatiques, dont 97 % tournent sous Linux. “Ce choix date maintenant de 2002, Microsoft sortait Windows 2000 à l’époque et ce changement nous coûtait à l’époque 8 millions d’euros”, se souvient le général Marc Boget, qui dirige l’Agence du numérique des forces de sécurité intérieure. Il gère les systèmes d’informations de la gendarmerie, passée sous licence libre, et de la police, restée sous Windows et à nouveau confrontée aux problèmes de mise à jour.
Les ingénieurs développent leur propre système, GendBuntu - inspiré de Ubuntu, l’une des versions de Linux - adapté aux contraintes de sécurité. Mais aussi des applications, toutes en ligne, pour n’avoir besoin que d’un navigateur. “Au bout de 20 ans, on est capable de faire un retour d’expérience complet sur le sujet et d’être une vitrine que ça marche… C’est un non sujet pour nous aujourd’hui !”, estime-t-il. “On économise sur les licences, les postes, même si ça nécessite d’avoir une technicité à entretenir et des personnels qui maîtrisent leur sujet. Mais on maîtrise notre trajectoire budgétaire, ce sont les décideurs qui décident, et plus tel ou tel acteur externe qui nous impose un changement, pas forcément le bienvenu.”
“Des intérêts capitalistiques, géopolitiques”
Ne plus se tourner automatiquement vers des logiciels ou services américains sous licence propriétaire, c’est le message que porte le sénateur Simon Uzenat, président d’une commission d’enquête sur la commande publique, qui a rendu son rapport avant l’été. “On a fini par penser que ces logiciels étaient des biens communs, mais en réalité non”, affirme-t-il. “Il y a bien des intérêts capitalistiques, géopolitiques et si nous n’y prenons pas garde, avec aussi le développement de l’intelligence artificielle, l’Europe peut sortir de l’Histoire.” Pas contre les solutions américaines, dit-il, il prône que “l’argent public investi doit être mis au profit avant tout des solutions et des entreprises françaises et européennes”. Un enjeu financier, écologique et donc de souveraineté. Toutes versions confondues, Windows est encore installé sur les 3/4 des ordinateurs dans le monde.