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veilleur1
2025-09-20
Bulletin n° 21    A 2

#Principal :
culture numérique
numérique responsable
#Secondaire :
économie sociale et solidaire
Interêt :
opérationnel
tactique
Média :
actu
Web
Objectif :
comprendre
savoir
Pestel+ :
social
technologique

Face à la fracture numérique, un rapport du Sénat rappelle la nécessité de proposer aux usagers différents moyens d’accès à des services publics de plus en plus dématérialisés. Les élus proposent également « d’étendre le droit à l’erreur » alors que certaines personnes peinent à s’accommoder des démarches en ligne.

Délivrance de carte grise, renouvellement de la carte d’identité, obtention d’un passeport… À l’heure du tout numérique, la plupart des démarches administratives peuvent être en partie ou intégralement réalisées en ligne. Avec un écueil majeur : celui de la fracture numérique, qui continue d’exclure des pans entiers de la population de l’accès à ses droits. Dans un rapport rendu public ce mardi 16 septembre, le Sénat alerte sur le grand nombre d’usagers laissés de côté, « par exemple en raison de leur âge, de leur handicap ou d’un équipement défaillant ». Les élus font état d’un risque de « déshumanisation des services publics ». Ils s’inquiètent également « d’une forme de précarité relationnelle » pour les usagers, notamment les plus défavorisés, qui, égarés devant leur ordinateur, ont besoin d’un contact humain via un guichet ou une ligne téléphonique. Le « tout-numérique » 82 % du total des démarches administratives sont réalisés en ligne chaque année, conséquence des différentes politiques de restructuration des services qui ont accordé la priorité à la dématérialisation et au « tout-numérique » depuis les années 1990. Ce phénomène est encore renforcé par « la contraction du maillage territorial de nombreux services public », c’est-à-dire les fermetures de certaines structures, comme des bureaux de poste, de trésoreries ou des organismes de protection sociale, une situation durement ressentie dans les zones rurales. Alors que la dématérialisation s’impose désormais pour un grand nombre de démarches, les élus attirent l’attention sur « des fractures persistantes ». « Contrairement à une idée reçue, l’exclusion numérique n’est pas en voie de régression », explique la rapporteure Nadège Havet, membre du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), à l’initiative de la mission d’information qui a produit ce rapport. Presque un Français sur deux (44 %) rencontre des difficultés dans la réalisation de démarches en ligne, selon les chiffres de l’édition 2025 du baromètre du numérique, longuement cité par les sénateurs. Ce constat n’est pas seulement le fait d’un public âgé, moins rompu à l’usage des outils numériques : « Près du quart des jeunes adultes de 18-24 ans, pourtant nés avec le numérique, ont ‘peur de se tromper’ en effectuant ces démarches. » » LIRE AUSSI – Illectronisme : le Sénat fait 45 propositions pour lutter contre cette fracture numérique Des tentatives d’amélioration de l’accompagnement des usagers Le Sénat constate une certaine inflexion depuis la crise du covid-19 sur la numérisation des pratiques, avec la volonté de remettre en place davantage « d’humain » face aux usagers. Néanmoins, les élus dressent un bilan en demi-teinte des dispositifs qui ont été proposés. Ainsi le « Plan Téléphone », lancé en 2023 avec un objectif de 85 % d’appels décrochés dans les services, reste miné « par des temps d’attente excessifs ». Par ailleurs, les administrés « doutent de la fiabilité des réponses qui leur sont adressées », dans la mesure où elles peuvent varier d’un interlocuteur à un autre. « Le recours au téléphone est également une nécessité pour les usagers qui ne ‘rentrent pas dans les cases’ des formulaires en ligne : un contact humain reste indispensable pour contourner les obstacles de menus déroulants, qui ne sont pas conçus pour les cas complexes », enjoint le rapport du Sénat. Déployé à partir de 2020, le réseau France services compte aujourd’hui 2 800 structures, qui permettent aux citoyens de réaliser leurs principales procédures administratives dans un lieu unique, à moins de 30 minutes de chez eux. Si les maisons France services ont permis de remettre de l’humain au cœur des démarches du quotidien, certains maires interrogés par la mission d‘information du Sénat y voient la concrétisation de l’abandon des territoires par l’Etat, doublé d’un coût supplémentaire pour les collectivités. « La plupart des élus locaux sont satisfaits de trouver une maison France services sur leur territoire, mais ils ont aussi le sentiment que l’Etat tente de leur repasser des missions qui lui incombent », explique Gilbert-Luc Devinaz, le président socialiste de la mission d’information. « Il est indéniable que le réseau France services est un bon outil, mais qu’il convient de parfaire », nuance Nadège Havez. Les élus proposent notamment d’uniformiser le panier d’offres et de renforcer la formation des opérateurs. Etendre le droit à l’erreur Afin de concilier « la poursuite de la modernisation des services publics » et « la nécessaire attention portée tant à l’usager éloigné des nouvelles technologies qu’à celui dont le cas s’accommode mal de démarches standardisées », le Sénat formule 20 recommandations. Parmi elles : l’extension du droit à l’erreur, « en encourageant dans tous les services publics une approche bienveillante du cas de certains usagers lorsque le droit à l’erreur […] permettrait de leur épargner un préjudice ou une perte de chance ». « Il convient encore de rappeler que le droit à l’erreur n’est pas une appréciation et que l’usager ne peut pas être systématiquement suspecté de malveillance », explique Nadège Havet. « Dans chaque service, les citoyens devraient avoir un laps de temps pour modifier leur dossier et les informations transmises, comme cela se fait déjà pour la déclaration de revenus. Il n’est pas normal qu’une mauvaise case cochée empêche un élève de s’inscrire au bac dans la spécialité de son choix ! » Les élus estiment par ailleurs que la fracture numérique doit obliger l’Etat à garantir à tous les Français le choix du canal qu’ils souhaitent utiliser pour entrer en contact avec l’administration. Enfin, les sénateurs alertent sur « la marchandisation des démarches administratives » avec la multiplication d’offres payantes qui proposent de prendre en charge des démarches normalement gratuites. Or, pour capter l’attention des usagers, certains sites déploient des pratiques commerciales trompeuses, notamment en reproduisant l’apparence des sites officiels. Le rapport invite donc à poursuivre les efforts de référencement des véritables sites administratifs, en utilisant par exemple des « signes distinctifs communs et infalsifiables ». Les élus souhaitent aussi un renforcement de l’arsenal pénal contre les pratiques frauduleuses.