Focus ton Article
veilleur1
2025-08-21
Bulletin n° 20 B 3
#Principal :
culture numérique
#Secondaire :
entreprise
Interêt :
stratégie
tactique
Média :
actu
Web
Objectif :
comprendre
Pestel+ :
écologique
social
technologique
99, c’est le nombre moyen d’équipements électriques et électroniques présents dans chaque foyer français. Une avalanche d’objets qui cache mal un paradoxe : leur durée de vie n’a pas augmenté, voire décroît ces dernières années, alors même que leurs impacts environnementaux explosent. Par exemple, selon une récente étude de Tim Cooper, professeur en consommation et design responsable, la durée de vie d’un téléviseur était de dix ans en 1998, huit ans en 2023.
La fabrication d’un smartphone, c’est 80 % de son empreinte écologique. Pour un lave-linge, c’est 60 %. Et chaque Français génère 22 kilos de déchets électroniques par an (données 2022), dont une grande partie aurait pu être évitée.
On nous parle de recyclage comme d’une solution miracle, mais il faut le rappeler : recycler, c’est polluer. C’est consommer de l’énergie, et mettre au rebut des produits qui pourraient encore être réutilisés, réparés, remis au goût du jour. C’est extraire, encore et encore, du lithium, du cobalt, du cuivre dans des mines où les droits humains sont souvent relégués au second plan.
Alors, pourquoi continuons-nous ? Parce que tout est fait pour nous y pousser.
Plus de 15 000 stimuli commerciaux chaque jour
Chaque jour, nous sommes chacun exposés à plus de 15 000 stimuli commerciaux, des notifications, des vidéos, des promotions « exceptionnelles », des messages provenant d’influenceurs payés pour créer le manque et la frustration, des linéaires bien pensés pour nous détourner des produits durables ou reconditionnés.
Savez-vous qu’une seule seconde supplémentaire au temps de chargement des pages ferait perdre à Amazon plus d’un milliard de dollars de résultat de ventes annuelles ? Que penser du modèle du « parcours fermé » – utilisé par certains magasins pour nous obliger à traverser chacun de leurs rayons avant d’arriver aux caisses – qui contribue aux 60 % d’achats impulsifs chez Ikea ?
Ces stratégies marketing sophistiquées sont élaborées pour cultiver en nous l’insatisfaction permanente
Ces stratégies marketing sophistiquées sont élaborées pour cultiver en nous l’insatisfaction permanente. Des stratégies nombreuses, omniprésentes, qui se cumulent pour ne laisser aucune chance aux consommateurs de s’extirper de la toile du marketing.
Pourtant, comme Hansel et Gretel, nous sommes dupés par un monde cosmétique factice où tout semble bon, agréable, pensé pour nous faire « plaisir ». Un plaisir qui laisse un goût amer, un goût de vide. Pour 40 % des Français, le plaisir éprouvé à acheter est éphémère.
La consommation de masse nous avait promis le bonheur à petit prix. Elle a souvent livré la solitude à crédit, et la quête de confort personnel s’est muée en compétition individuelle. La société de consommation a-t-elle eu raison des collectifs, effondrés, comme évaporés dans l’air conditionné des centres commerciaux ?
Réparer plutôt que racheter
Pourtant la consommation de demain est déjà là, discrète, encore marginale, mais bien vivante.
Chez celles et ceux qui essaient de réparer plutôt que de racheter. Qui découvrent l’indice de durabilité et privilégient un aspirateur noté plus de 8,1/10 (leurs ventes ont augmenté de 14 % en 2024). Ceux qui s’aident entre amis ou voisins. Celles qui connaissent le bonus réparation (une réduction sur le prix de la réparation de nombreux produits) ou la ressourcerie du coin. Celles et ceux qui installent un bloqueur de publicité sur l’ordinateur, limitent leur temps d’écran, apprennent à dire non à l’urgence de consommer. Qui n’ont pas honte de raccommoder.
Derrière nos choix de consommation individuels, il y a un pouvoir, celui du consommateur
La honte n’est pas dans le jean troué, mais dans le marketing qui dit : « Fini le rafistolage » pour nous faire acheter plus. Derrière nos choix de consommation individuels, il y a un pouvoir, celui du consommateur qui est aussi un citoyen, malmené par des injonctions permanentes et paradoxales, délibérément orchestrées par l’industrie du marketing. Un pouvoir qui doit désormais se conjuguer au pluriel pour dire : « Stop, ça ne peut pas durer comme ça. »
Les consommateurs ont le droit d’exiger d’être protégés des stratagèmes commerciaux pour cesser d’être influencés, manipulés en toute impunité. Pour tendre vers une véritable économie circulaire et une consommation durable, un nouveau cadre réglementaire s’impose. Par exemple en créant un délit d’obsolescence marketing, en réservant les affichages publicitaires dans les espaces publics à des communications culturelles ou d’intérêt général, ou encore en améliorant la régulation de la publicité.
Et si l’on décidait de ne plus se faire avoir ?