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veilleur1
2025-08-04
Bulletin n° 20    A 3

#Principal :
culture numérique
technique métier
#Secondaire :
souveraineté numérique
Interêt :
stratégie
Média :
actu
Web
Objectif :
comprendre
Pestel+ :
politique
technologique

Dans la guerre du numérique, l'Europe est dans une impasse stratégique : consciente de sa dépendance, inquiète pour sa souveraineté, mais incapable, pour l'instant, de bâtir une réponse industrielle à la hauteur, analyse Jean-Paul Alibert.

En avril, le ministère de l'Economie réunissait à Bercy les administrations et les grands dirigeants d'entreprises françaises afin de s'interroger sur leur dépendance numérique. La ministre en charge du Numérique, Clara Chappaz, a lancé un appel à projets de « plusieurs dizaines de millions d'euros » pour « bâtir une offre de cloud européenne attractive, performante, compétitive ». Quelle importance donner à cette annonce alors que les majors tech ont investi plus de 800 milliards ces quinze dernières années ? La souveraineté technologique européenne ne peut plus rester un voeu pieux. Si l'Europe doit fédérer ses champions, les entreprises doivent également jouer le jeu. Le ralentissement conjoncturel qui affecte le secteur de la tech depuis fin 2023 illustre un tournant. Après deux années de forte croissance, les entreprises de services du numérique (ESN) européennes doivent faire face à un marché atone : la prévision pour 2025 frôle la stagnation. L'irruption de l'intelligence artificielle, loin de dynamiser immédiatement le marché, ajoute à cette incertitude. La phase actuelle est celle de l'expérimentation : les preuves de concept (POC) se multiplient, mais sans passage massif à l'industrialisation. Les directions IT explorent et peinent à transformer ces initiatives en projets concrets. L'Europe fragmentée Dans ce contexte, les tensions géopolitiques accélèrent la domination technologique de puissances non européennes. Les Etats-Unis, dominateurs dans les domaines du cloud, de l'intelligence artificielle et des infrastructures logicielles, voient leurs géants renforcer leur emprise via une stratégie agressive d'expansion globale. Les velléités de démondialisation portées par l'administration Trump ne font qu'amplifier ce déséquilibre. Les géants américains bénéficient d'un effet d'aubaine, alors que les alternatives européennes peinent à émerger. TRIBUNE - « La souveraineté numérique oui, l'autarcie non » Face à cette domination, l'Europe tente de réagir, mais ses efforts sont souvent freinés par ses propres divisions internes. Les politiques industrielles restent largement nationales, et les projets communs peinent à trouver un écho partagé. Les initiatives comme Gaia-X illustrent les difficultés de gouvernance collective : trop de pays impliqués et une incapacité à imposer un cap commun face à l'urgence. Dernière illustration en date : la réponse européenne aux menaces de nouveaux droits de douane imposés par les Etats-Unis. La Commission a annoncé un projet de taxation renforcée des services numériques des géants américains, censé rétablir un équilibre concurrentiel. Mais ces annonces restent symboliques si elles ne sont pas accompagnées de véritables alternatives industrielles. Dépendance structurelle L'Europe peut difficilement se passer, dans l'immédiat, des services proposés par ces géants : Cloud, IA, cybersécurité, ERP, CRM… les entreprises européennes sont structurellement dépendantes d'acteurs extra-européens. L'Europe se trouve donc dans une impasse stratégique : consciente de sa dépendance, inquiète pour sa souveraineté, mais incapable, pour l'instant, de bâtir une réponse industrielle à la hauteur. Les entreprises européennes doivent devenir les premières clientes de leurs fournisseurs technologiques. Elles risquent sinon de rester captives d'écosystèmes extra-européens. L'Union européenne doit fédérer ses Etats membres autour d'une politique industrielle technologique commune. Il faut également que les entreprises européennes deviennent les premières clientes de leurs propres fournisseurs technologiques. Elles risquent sinon de rester captives d'écosystèmes extra-européens. Les Etats européens doivent dès lors harmoniser les normes de sécurité, s'attaquer avec force aux dérives de l'optimisation fiscale en son sein, soutenir les initiatives industrielles transnationales, orienter fermement la commande publique vers des solutions européennes, et tirer les leçons de Gaia-X pour bâtir une souveraineté numérique crédible, efficace et résiliente face aux dépendances technologiques extra-européennes.