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veilleur1
2025-07-20
Bulletin n° 20    B 2

#Principal :
culture numérique
inspiration
numérique responsable
technique métier
#Secondaire :
économie sociale et solidaire
entreprise
RSE
Média :
actu
Web
Objectif :
comprendre
Pestel+ :
écologique
économique
technologique

Dans un monde submergé par les déchets électroniques et la surconsommation technologique, l’obsolescence programmée incarne une impasse environnementale majeure. Derrière l’attrait des appareils toujours plus performants, se cache une stratégie industrielle qui saborde la durabilité et alourdit l’empreinte carbone du numérique.

Face à l’urgence climatique, repenser la longévité des produits n’est plus une option : c’est une condition pour faire advenir un numérique soutenable, responsable et émancipé des logiques court-termistes. Le numérique a longtemps été associé au progrès, à la performance, à l’accélération de nos vies. Mais ce progrès a un revers, souvent ignoré : celui de l’obsolescence programmée. Cette pratique, qui consiste à limiter volontairement la durée de vie d’un produit pour en accélérer le renouvellement, alimente un cycle effréné de production-consommation-déchets. Selon l’Ademe, les équipements numériques représentent déjà près de 4 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales, un chiffre en constante augmentation. Et pour cause : chaque smartphone, chaque ordinateur jeté prématurément entraîne une nouvelle extraction de métaux rares, un nouveau processus de fabrication énergivore, un nouveau transport international. L’obsolescence programmée : une mécanique invisible, mais systémique Longtemps restée dans l’angle mort du débat public, l’obsolescence programmée est aujourd’hui mieux documentée, mieux combattue, mais toujours bien ancrée dans les logiques industrielles. Elle prend plusieurs formes : matérielle (avec des composants qui se détériorent rapidement), logicielle (avec des mises à jour qui rendent les anciens appareils inutilisables), ou encore esthétique (en incitant à remplacer un produit toujours fonctionnel pour des raisons d’image ou de tendance). Derrière ces stratégies, l’objectif est limpide : raccourcir artificiellement le cycle de vie d’un produit pour générer de nouveaux achats. D’après Greenly, 80 % de l’impact environnemental d’un smartphone est concentré dans sa fabrication, ce qui rend chaque remplacement prématuré écologiquement catastrophique. Cette mécanique s’inscrit dans un modèle économique global fondé sur le volume et la croissance. Tant que les entreprises tireront leur rentabilité de la vente de produits neufs, la tentation de l’obsolescence demeurera. Pourtant, les dégâts sont bien réels : plus de 50 millions de tonnes de déchets électroniques sont générées chaque année dans le monde, selon le Global E-waste Monitor, un volume qui dépasse largement la capacité actuelle de recyclage. En France, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC), adoptée en 2020, a marqué une étape importante en introduisant un indice de réparabilité sur certains produits. Mais la route reste longue pour inverser les logiques profondes de ce modèle. Lutter contre l’obsolescence programmée : un enjeu écologique de premier plan Chaque appareil électronique possède une empreinte invisible mais colossale. La fabrication d’un ordinateur portable nécessite en moyenne 240 kg de combustibles fossiles, 22 kg de produits chimiques, et 1,5 tonne d’eau, selon l’Ademe. Une pollution numérique aggravée, des impacts environnementaux massifs Et la production des composants électroniques mobilise des minerais rares extraits dans des conditions environnementales et sociales souvent désastreuses : coltan au Congo, lithium en Amérique du Sud, terres rares en Chine. Lorsque ces produits deviennent obsolètes trop rapidement, toute cette dépense en ressources naturelles est littéralement gaspillée. Leur désuétude accélère également la pollution numérique. En allongeant artificiellement le cycle de remplacement des équipements, elle augmente la fréquence des déchets électroniques. Or, ces déchets sont souvent mal recyclés. Une partie finit incinérée, une autre enfouie, et une troisième expédiée illégalement dans des pays du Sud. Lutter contre l’obsolescence, c’est donc limiter l’extraction de matières premières, réduire la pression sur les chaînes logistiques mondiales, et éviter une accumulation croissante de déchets hautement polluants. Allonger la durée de vie des appareils électroniques pour alléger le bilan carbone Le calcul est simple : plus un appareil dure longtemps, moins il est néfaste pour la planète. Selon l’étude de GreenIT.fr, allonger la durée d’usage d’un ordinateur portable de deux à quatre ans permet de réduire son impact environnemental de 50 %. Le simple fait de garder son smartphone une année de plus divise par deux l’empreinte carbone liée à son usage. Dans un contexte où la sobriété numérique devient un impératif, cette lutte contre le gaspillage technologique est une piste directe, mesurable, et à portée de main. Elle exige néanmoins un changement d’approche global, à la fois du côté des producteurs, des consommateurs et des législateurs. Des leviers pour un numérique plus durable en entreprise Face à cette logique du jetable, plusieurs initiatives émergent pour promouvoir une autre voie : celle du durable et du réparable. Encourager la réparabilité et le réemploi des appareils numériques L’indice de réparabilité mis en place en France sur des produits comme les smartphones ou les ordinateurs portables constitue un outil de transparence. Il permet au consommateur de comparer facilement les produits et d’orienter ses choix vers ceux qui offrent une meilleure durabilité. Mais encore faut-il que les pièces détachées soient disponibles, que la documentation soit accessible, et que la réparation soit économiquement viable. À cet égard, des acteurs comme iFixit, ou encore des plateformes de reconditionnement comme Back Market, participent à redessiner le paysage numérique en valorisant la seconde vie des produits. Le succès grandissant du marché du reconditionné – estimé à plus de 1 milliard d’euros en France en 2024 – témoigne d’un changement de mentalité. C’est aussi une opportunité économique pour les entreprises qui souhaitent innover dans la maintenance, la location ou les modèles circulaires. Encadrer légalement les dérives industrielles Si la responsabilité individuelle joue un rôle, la régulation reste un levier central. La loi AGEC a ouvert la voie, mais elle reste encore incomplète face à l’ampleur des enjeux. L’Europe, avec son projet de “Right to Repair” (droit à la réparation), s’apprête à aller plus loin : obligation de fournir des pièces détachées pendant plusieurs années, garantie prolongée, standardisation des connectiques… autant de mesures qui pourraient profondément infléchir les pratiques industrielles. La reconnaissance officielle de l’obsolescence programmée comme délit en France depuis 2015 reste une avancée symbolique, mais difficile à mettre en œuvre en pratique. Aucun fabricant n’a encore été condamné, faute de preuves tangibles sur l’intention de nuire. Mais le signal est lancé, l’ère du numérique jetable semble perdre de plus en plus en popularité. Vers une sobriété numérique assumée : un engagement entrepreneurial structurant Lutter contre l’obsolescence programmée, pour une entreprise, c’est aussi se positionner comme acteur du numérique durable, dans un contexte de transition écologique de plus en plus normé et scruté. Ce choix n’est pas une contrainte, mais un véritable levier d’innovation, de compétitivité et d’alignement avec les attentes sociétales. À l’heure où les réglementations européennes s’orientent vers une standardisation des connectiques, des durées de garantie prolongées et des droits à la réparation étendus, les entreprises qui anticipent ces évolutions en sortiront renforcées. Réparabilité, réemploi et modèles d’affaires vertueux Au-delà du produit lui-même, ce sont les modèles économiques qu’il faut réinventer : location plutôt qu’achat, abonnement à la performance, économie de la fonctionnalité. Ces approches réduisent l’incitation à la vente de masse pour valoriser l’usage, la durabilité et le service. Elles permettent aussi de créer de la valeur sur toute la chaîne de vie d’un équipement, de sa conception à sa seconde main. C’est en cela que la lutte contre l’obsolescence n’est plus seulement une défense, mais un projet : celui de refonder la relation entre entreprise, client et technologie autour d’un principe simple, mais exigeant – faire durer ce qui a été conçu pour servir. Des acteurs comme Back Market, YesYes ou Recommerce démontrent qu’il est possible de bâtir des entreprises rentables autour du réemploi et du reconditionnement. Le marché français du produit reconditionné a franchi le cap du milliard d’euros en 2024, selon la Fevad, et continue de croître à deux chiffres. Cette dynamique traduit un changement profond dans les attentes des consommateurs : ils ne veulent plus seulement de la nouveauté, mais de la fiabilité, de la transparence, du service. En intégrant ces valeurs dès la conception, les entreprises peuvent non seulement réduire leur impact, mais également se différencier dans un marché saturé.